Article modifié le 19 septembre 2024
Amazon Echo semble être en passe de devenir le nouveau hub universel de la maison connectée. Le contrôle vocal remplacerait apps sur smartphone et autres télécommandes. Mais est-ce réellement la panacée ? Amazon Echo va-t-il mettre à la casse tout ce qui existe ? Et plus important encore, le contrôle vocal va-t-il révolutionner la domotique et la rendre enfin accessible à tous ?
L’échec de la smarthome
La faute est souvent mise sur le manque d’interopérabilité : des plateformes, des protocoles, des produits propriétaires. Cela n’aide pas, il est évident que ce jargon de spécialiste ne concerne en rien le grand public. Celui-ci ne se pose pas ce genre de question, il veut juste des produits électroniques qui font ce qu’ils sont sensés faire.
La vraie question, c’est l’usage : pourquoi mettrais-je de la domotique chez moi ? Pour quoi faire ? Pour gagner quoi : du temps, du confort, économiser de l’énergie, me sentir en sécurité ? Un peu tout ça à la fois, très rarement, mais surtout pour un ou deux usages principaux, le plus souvent.
Les objets connectés ont finalement pris le pas sur la domotique. De par leur mono-fonctionnalité, ils savent répondre simplement à une attente dans un domaine précis : faire des économies de chauffage, ouvrir sa serrure sans sortir ses clefs, protéger ma maison à distance, etc.
Connecter toute sa maison ne semble pas répondre à une demande de masse. C’est l’usage qui prévaut : à partir du moment où un équipement facilite le quotidien sans le bouleverser et que la courbe d’apprentissage est la plus simple et la plus rapide possible, voire naturelle, il est adopté.
La domotique a complexifié la maison en voulant imposer tout ce qu’il était imaginable de faire. C’était parfait pour le marche de niche qu’est celui du luxe : réaliser des installations hyper complètes et totalement customisées pour s’adapter aux rêves les plus fous. Mais là encore, on reste loin des attentes du grand public.
Que ce soit des équipements domotique de luxe ou des « box domotique » pour bricoleurs aguerris, on n’a pas su capter le grand public qui n’a que faire de produits compliqués à installer, à faire communiquer entre eux, à programmer et à piloter au quotidien. Car le pilotage de l’équipement est tout aussi important que son usage.
De la télécommande à l’assistant domotique
Des télécommandes universelles, des écrans tactiles ou des applications sur smartphone et tablettes, rien de plus compliqué pour allumer la lumière, passer d’un morceau de musique au suivant ou régler le chauffage. Au final, seul le chef de famille, le plus souvent celui qui a voulu ou installé le système, est capable d’en utiliser les interfaces.
D’après Newflux, une interface permet des échanges et des interactions entre deux acteurs. C’est un moyen de communication entre un homme et une machine. Télécommande ou smartphone, ces interfaces règnent en maître, mais sont-elles pour autant idéales ? Si l’on en croit Mitchell Klein, directeur exécutif de la Z-Wave Alliance, pas vraiment : les gens n’en ont rien à faire de pouvoir actionner les lumières avec leur smartphone.
On ne peut que lui donner raison. Quel avantage trouve-t-on à remplacer un interrupteur mural, idéalement toujours bien placé, par un smartphone que l’on doit déverrouiller, que l’on n’a pas forcément sur soi ou qui n’a plus de batterie ?
Et si l’on supprimait les interfaces physiques, cette friction entre une maison qui se veut de plus en plus intelligente et soi-même ? Et si l’interface physique était le principal frein à l’adoption de la domotique depuis toutes ces années ?
Sésame ouvre-toi !
Le contrôle vocal fait partie de la famille des interfaces entre l’homme et la machine. Familier de tous, au cœur de tous les films de science-fiction depuis plus d’un demi-siècle, son application grand public est pourtant toute récente. Les essais jusqu’à présent étaient soient peu performants, soit extrêmement gourmands en puissance, donc hors de prix ou trop complexes à mettre en œuvre.
Curieusement, la démocratisation tant attendue de l’interface vocale vient du géant du commerce en ligne Amazon avec l’assistant personnel vocal Echo. Grâce à son énorme travail dans les serveurs, Amazon a pu concevoir un produit accessible et performant où l’intelligence est déportée dans le cloud. Afin de poursuivre son développement, plusieurs centaines de postes à pourvoir ont été mis en ligne fin février, ce qui prouve que l’on est loin du simple gadget.
Les trois points forts d’Echo qui font son succès relèguent à l’antiquité les autres solutions vocales connues jusqu’ici :
- Toujours à l’écoute — aucune action physique n’est nécessaire, on parle naturellement à Echo, en l’appelant par son petit nom, Alexa (Echo ou Amazon marchent aussi)
- Réceptivité — Echo vous entend à plusieurs mètres et même lorsque la musique joue, inutile de forcer la voix
- Latence limitée — il faut autour d’une seconde à Echo pour vous répondre ou effectuer l’action demandée
Amazon ne communique pas de chiffre, mais d’après des estimations, Echo aurait déjà été vendu à plus de 3 millions d’exemplaires. Les dizaines de milliers de reviews sur sa page de vente viennent confirmer un très fort intérêt (et aussi des très bonnes notes avec près de deux tiers de 5 étoiles). Echo a même bénéficié d’une publicité lors du dernier Superbowl, la célèbre finale de foot US, ce qui n’a pu que booster une nouvelle fois les ventes, si tant est qu’elles en avaient encore besoin. Echo est en effet l’un des rares produits sur Amazon a être régulièrement en rupture de stock.
Echo, comme l’iPhone, n’est pas disruptif seulement en soi, mais pour l’écosystème d’applications et de services qu’il promet d’apporter. — Nextmarket.co
En créant une toute nouvelle catégorie d’interfaces grand public, Amazon a complètement dépassé en quelques mois Apple et Google, pourtant fortement impliqués dans le vocal, pour toutes les applications simples du quotidien, smarthome y compris. On ne parle plus de Siri ou de Google Now, de Works with Nest ou de HomeKit : Echo semble être en passe de devenir la nouvelle “plateforme” unifiée de pilotage des objets connectés, par la voix.
Une gamme Echo pour toute la maison
Echo n’est d’ailleurs pas seul, complété récemment par Dot et Tap. Dot est une version allégée, sans haut-parleur intégré et proposé à la moitié du prix d’Echo. Pour l’écoute, on peut lui raccorder une enceinte ou bien le relier directement à une chaîne HiFi. Les fonctionnalités sont identiques : Echo et Dot sont à l’écoute permanente des ordres que l’on peut lui donner.
Tap est une déclinaison portable, avec haut-parleur intégré, qui justement n’est pas à l’écoute : il faut appuyer sur le petit bouton affublé du micro avant de lui poser une question.
Il en va de même pour le boîtier Amazon Fire TV, un concurrent de l’Apple TV, qui intègre Alexa. Les ordres se passent à travers le micro de la télécommande du produit, en appuyant là aussi préalablement sur la touche dédiée.
Pour le lancement de Dot, Amazon a décidé de pousser le concept jusqu’au bout : un Dot ne peut pas être acheté sur le site Amazon, il faut absolument le commander en passant l’ordre suivant à un Echo ou une Amazon Fire TV, “Alexa, order an Echo Dot”.
L’idée est d’installer un Echo dans la pièce de vie principale, et des Dot dans les autres pièces comme de la maison. Le contrôle vocal devient ainsi possible à tout instant. L’intérêt en tant qu’interface d’une maison connectée devient alors évident. Plus besoin de dégainer son smartphone ou d’installer des écrans tactiles dans toutes les pièces : bien plus simple au quotidien, il suffit juste de parler pour donner des ordres, sans se soucier de quoi que ce soit d’autres. Quoi de plus naturel ?
Une catégorie amenée à se développer
Alexa n’est pas la seule proposition dans le monde des assistants personnels vocaux adaptés au pilotage de la maison, la concurrence se met en place ! Le Protonet Zoe est un hub domotique pilotable par la voix, avec un module maître et des modules esclaves dénommées Voice Drop. La campagne Indiegogo a permis de rassembler près de 3 fois la somme attendue (+300.000$). A l’opposé d’Echo, Zoe embarque toute la puissance sans passer par le cloud et c’est justement le point fort du produit mis en avant : vos données restent chez vous.
Sony a présenté récemment les Xperia Ear et Xperia Agent. Xperia Ear est une sorte d’oreillette à laquelle on peut poser des questions, et donc potentiellement donner des ordres pour piloter sa maison. Encore plus mobile qu’Echo !
Xperia Agent est un assistant vocal de la même veine qu’Echo qui, en plus de parler, projette les résultat sur la table devant lui. Cela complexifie et simplifie les choses à la fois : information délivrée plus complète mais obligation d’être devant le produit pour la consulter.
Même si rien n’est encore visible de leur côté, chez Google et Microsoft on travaille également sur le contrôle vocal de la maison. On n’en attendait pas moins de ces acteurs majeurs. Il ne manque plus que Samsung à l’appel, qui n’est pas novice en la matière avec ses téléviseurs pilotables à la voix depuis plusieurs années déjà.
Les risques d’échec du contrôle vocal
Amazon Echo est promis à un bel avenir, tout comme la catégorie des interfaces vocales en général. A première vue, le pilotage par la voix semble être le sésame de la maison connectée. Plus de boutons ni d’écrans tactiles, plus besoin de sortir son smartphone pour effectuer la moindre action. Cependant, Echo va-t-il initier l’explosion tant attendue du marché spécifique de la maison connectée ?
1 — Même si le Jarvis d’Iron Man peut faire rêver, il faut être prêt à parler à sa maison. En dehors du côté un peu étrange pour tous ceux qui restent terre à terre, le contrôle vocal est-il la panacée ? Demander à Alexa d’allumer la lumière est-il vraiment plus simple, plus rapide, plus confortable que d’appuyer sur un interrupteur : l’interrupteur ordinaire disparaitra-t-il vraiment ?
Même si la technologie est éprouvée et que le fonctionnement est optimal, (aucune erreur de compréhension par le système, des commandes qui aboutissent dans 100% des cas), tout le monde est-il prêt à parler à des machines ?
2 — Comme toute acceptation d’une nouvelle technologie, celle-ci est accompagnée de ses freins. La puissance d’Echo réside dans le Cloud, ce qui nécessite une connexion permanente au web, et la nécessité d’envoyer tout ce que l’on dit chez Amazon. On peut d’ailleurs accéder à l’historique de tout ce que l’on a demandé récemment à Alexa !
Amazon nous rassure sur la question de la confidentialité : Echo n’envoie rien aux serveurs tant que l’on n’a pas prononcé le mot magique “Alexa” (Echo ou Amazon fonctionnent aussi), et un bouton physique sur le produit permet de couper le micro lorsque nécessaire.
Pour rendre sa maison intelligente, même si Amazon nous assure une certaine forme de confidentialité, est-on prêt à ce qu’Amazon sache tout de ce que l’on dit dans notre maison et le garde en mémoire ?
3— Au moins trois millions d’Echo ont déjà été vendus, uniquement aux Etats-Unis, les autres marchés seront couverts plus tard dans l’année 2016. C’est un chiffre énorme, mais nous ne savons pas ce qui se cache derrière. Sans communication de la part d’Amazon à ce sujet, nous n’avons aucune connaissance de l’utilisation qui est faite d’Echo : achats sur Amazon, demande de la météo, recherches sur le web, écoute de webradios ou de Spotify, pilotage d’objets connectés de la maison…
La liste des équipements connectés compatibles est plutôt légère pour l’instant. Ce lien entre Echo et la domotique est largement mis en avant semaine après semaine, alors que ce n’est pourtant pas une réalité aujourd’hui. Amazon vient d’ouvrir Alexa aux développeurs, ce qui devrait accélérer le mouvement. Est-ce qu’une multiplication des compatibilités assurera automatiquement le succès d’Echo pour la smarthome ?
Acceptation de la technologie, concession sur ses données personnelles, ou usages encore peu aboutis : ce sont actuellement les trois freins principaux que je vois à un développement du contrôle vocal comme interface principale de la maison connectée. Echo n’est pas encore le sauveur tant attendu d’un marché qui n’a toujours pas su s’adresser au grand public !
Le contrôle vocal : ultime étape avant l’intelligence artificielle
Regardons maintenant un peu plus loin. La suppression des apps et des interfaces pourrait également englober à terme la suppression du contrôle vocal.
La domotique, c’est littéralement l’automatisation de la maison. Elle était sensée fonctionner seule et faciliter la vie, sans aucune action de ses occupants. Pour cela, elle nécessite une intelligence artificielle qui prend en compte de multiples données.
Nest a choisi la voie de l’intelligence artificielle avec son thermostat. Il fonctionne d’autant mieux que lorsqu’on n’y touche pas : il détecte la présence, apprend les habitudes et régule lui-même la température grâce à ces informations. Le contrôle vocal est superflu.
Le big data existe aussi dans la maison. La manipulation de toutes les données liées aux habitudes et aux exceptions des habitants de la maison permet de prédire les usages et ainsi d’automatiser toutes les actions, même les plus complexes, sans aucune intervention humaine. La présence et la localisation exacte des habitants, leurs habitudes, leurs émotions, et même la combinaison des données de plusieurs habitants dans une même pièce sont susceptibles d’automatiser la gestion de la lumière, des ouvrants, de la température, de la sécurité, de la musique…
Sans aucune barrière ni plus aucune interface, pas même vocale, la maison va-t-elle enfin réussir à devenir intelligente ?
Très bon article Alban l’avenir de la domotique passe par le contrôle vocale pour se démocratiser davantage et séduire le grand public ,Echo est un produit innovant mais il faudrait que le systeme soit multi protocoles et puisse devenir la liaison entre l’homme et la machine et commander tous systemes domotique car là est le plus grand problème
Bravo pour cet article, c’est ce que j’ai lu de plus intelligent sur le sujet depuis longtemps.
@Mickael : Merci ! Oui, la question de l’interopérabilité généralisée se pose. Attendons de voir si la bibliothèque de services et d’objets compatibles Alexa va se développer aussi vite qu’un Apple App Store par exemple.
@Guillaume : merci beaucoup. 😌